5,5 millions d'euros collectés, 1 350 projets soutenus, 2 500 emplois créés… En une décennie, la plateforme de financement participatif bretonne Kengo.bzh s'est imposée comme un partenaire de choix de l'économie locale. Rencontre avec Serge Appriou, son Directeur-fondateur.

Créée en juin 2015 par le Crédit Mutuel Arkéa et Le Télégramme, Kengo.bzh est dédiée au financement participatif de projets bretons. Devenue société à mission en 2022 et certifiée B Corp en 2023, elle accompagne le développement économique local à travers la Bretagne historique (cinq départements).

Comment est née l'idée de créer Kengo.bzh en 2015 ?

Il y a dix ans, nous assistions à l'émergence de l'économie collaborative. L'usage d'Internet devenait plus horizontal, avec des plateformes d'échanges entre particuliers qui se multipliaient. Nous étions convaincus que la Bretagne présentait un potentiel unique : un fort sentiment d'appartenance au territoire ainsi qu’une vraie solidarité locale grâce à son tissu associatif dense. 

Le pari était simple : créer une plateforme de financement participatif à vocation régionale et généraliste. Dix ans après, nous n'avons pas dévié de notre ambition initiale : faire éclore des projets qui font du sens pour les Bretons grâce à la mobilisation communautaire.

Comment vous différenciez-vous des autres plateformes de financement participatif ? 

Contrairement à d'autres plateformes orientées vers des projets d'entreprises structurées, nous avons fait le choix d'un positionnement résolument solidaire et égalitaire. Kengo accepte 99 % des projets proposés, qu'ils émanent d'entreprises, d'associations ou de particuliers. Nos seuls critères : que le projet ait du sens, qu'il soit breton ou participe au développement de la Bretagne, qu'il ait un intérêt collectif et qu'il soit légal, bien entendu.

Le modèle Kengo : simple mais efficace

Comment fonctionne concrètement votre plateforme ?

Une fois le projet validé et mis en ligne, le porteur dispose généralement de six semaines pour atteindre son objectif de financement - en moyenne 5 000 euros. Notre rôle ne s'arrête pas là : nous accompagnons humainement et techniquement chaque porteur, que son projet vise 1 000 ou 50 000 euros.

Les projets se répartissent équitablement autour de trois piliers : le petit entrepreneuriat, les projets culturels et l'économie sociale et solidaire. Avec le recul, Kengo est devenu le miroir des dynamiques sociétales bretonnes. Nous avons accompagné l'émergence des foodtrucks, des tiers-lieux, des maisons d'assistantes maternelles...

Comment mesurez-vous votre impact territorial ?

Nous avons calculé que pour un euro versé sur un projet, 3,30 euros retournent au territoire via les emplois créés et la valeur ajoutée produite. En dix ans, Kengo a ainsi généré 18,15 millions d'euros de valeur ajoutée locale. Au-delà des chiffres, nous renforçons la crédibilité des porteurs auprès des financeurs traditionnels en apportant la preuve d'un soutien citoyen.

Quel bilan tirez-vous de cette décennie ?

Fêter les 10 ans de Kengo, c'est avant tout une grande fierté - celle d'être utile. Plus de 5,5 millions d'euros collectés, 1 350 projets concrétisés qui n'auraient pas vu le jour dans un schéma de financement traditionnel, 2 500 emplois créés ou maintenus. Nous avons aussi progressé en efficacité : notre taux de réussite est passé de 68 % à 85 % en 2024. Les Bretons ont gagné en maturité numérique également - aujourd'hui, 6 à 7 contributeurs sur 10 nous arrivent via les réseaux sociaux.

Quels sont vos projets les plus emblématiques ?

Notre collecte record s'établit à 168 000 euros pour la création de la salle de spectacle Run ar Puñs à Châteaulin (photo ci-desus). Plus récemment, nous avons collecté 27 000 euros pour un préau d'école à Saint-Yvy, près de Quimper. Mais Kengo vaut surtout pour sa diversité. Dans le cadre de notre certification B Corp - obtenue en 2023 après être devenus société à mission en 2022 - nous avons démontré qu'un tiers des projets profite à des publics discriminés. Nous agissons comme un véritable outil d'inclusion financière.

Les clés du succès face à la concurrence

Beaucoup de plateformes ont disparu. Quels sont vos atouts ?

Au-delà de notre adossement au Crédit Mutuel Arkéa et au Télégramme, notre réussite tient à deux facteurs : notre ancrage breton et notre approche ultra-locale. Nous apportons un accompagnement que n'offre aucune autre plateforme - ce "supplément d'âme" qui fait la différence. Environ 100 000 Bretons ont déjà contribué au moins une fois à Kengo. Nous sommes 4,4 millions d'habitants en Bretagne : nous avons encore une belle marge de progression ! 

Les défis de demain

Quelle est votre feuille de route ?

Nous espérons doubler notre activité et devenir un acteur clé de la transition économique, sociale et écologique de la Bretagne. Notre stratégie : multiplier les coopérations entre acteurs locaux et porter une nouvelle génération de projets écologiques, inclusifs, ancrés dans leur territoire.

Un message pour de futurs porteurs de projets ?

Kengo, c'est du financement participatif avec un supplément d'âme, une énergie collective. Nous sommes une plateforme pour le territoire, pas seulement dans le territoire. À tous ceux qui ont des idées pour faire bouger la Bretagne : n'hésitez pas, nous sommes là pour vous accompagner !

Pour célébrer son 10^e anniversaire, les équipes de Kengo ont organisé une grande fête le jeudi 12 juin, à la Pam à Brest. Elle a permis de mettre en lumière ces porteurs qui ont contribué aux succès de Kengo et de favoriser leur rencontre avec le grand public.